Une vaste campagne de désinformation, ciblant le Bénin, a été démasquée par l’enquête du site d’information Nasuba.info . Le 16 janvier dernier, une rumeur d’un coup d’État et de la fuite du président Patrice Talon a circulé sur les réseaux sociaux, rapidement démentie. Cette opération, loin d’être isolée, s’inscrit dans une stratégie plus large et complexe impliquant des acteurs multiples.
L’enquête révèle une nébuleuse d’acteurs, dont des figures influentes de l’Alliance des États du Sahel (AES) et des réseaux russes liés à la société militaire Wagner. L’activiste franco-béninois, Kemi Seba, apparaît comme un relais stratégique central dans cette propagande.
Des comptes influents à la manœuvre
La campagne a commencé sur TikTok par le compte de « Gbagbo Fils Koné », avant d’être massivement relayée sur Facebook, X et YouTube par de nombreux comptes récidivistes, ciblant spécifiquement le Bénin. Parmi ces protagonistes figurent notamment : « Ma Patrie Mon Combat » sur X, des comptes YouTube comme « Deem TV », et une série de comptes TikTok, tels que « Burkinabè et Fière », « Oxymore de Woody 2 », et bien d’autres encore. Les mêmes comptes sont également actifs sur Facebook.
Une structure en trois niveaux pour une désinformation efficace
L’enquête a identifié une structure en trois niveaux dans cette campagne de désinformation. Des « meneurs » initient les messages, suivis par des « suiveurs » qui les amplifient massivement, et enfin des « légitimateurs », des influenceurs à forte audience, qui tentent de donner une couverture de crédibilité aux narratifs diffusés.
Des liens avec les réseaux Russes
L’enquête révèle des liens étroits entre cette campagne et des réseaux russes, notamment le Bataillon d’Intervention Rapide de la Communication (BIR-C), une unité de propagande numérique active au Burkina Faso. Des traces de collaboration avec des groupes russophones sur Telegram, évoquant un « Projet Kemi » (Kemi proeĸt) en référence à l’activiste, ont été trouvées. Des documents obtenus par Arte/CAPA, Die Welt, ainsi que par All Eyes On Wagner et Dossier Center, indiquent que le « Projet Kemi » a été supervisé par un analyste des services secrets russes.
Un financement pour un agenda pro-russe
Le financement du « Projet Kemi » de l’ordre de 440 000 dollars serait, selon ces documents, provénant de Wagner. Ce financement visait explicitement à structurer un mouvement panafricain hostile aux influences occidentales, légitimer la présence russe en Afrique et participer à des manipulations d’information ciblant les gouvernements jugés trop proches de l’Occident. Le soutien public de Kemi Seba à l’invasion de l’Ukraine, malgré son discours anti-impérialiste, est présenté par l’enquête comme une illustration de cet alignement.
Impact limité, mais menace persistante
Malgré la tentative de déstabilisation, le Bénin a réussi à lever 1 milliard de dollars sur les marchés internationaux le jour suivant, démontrant la robustesse de la confiance des investisseurs. Cependant, cette campagne met en évidence une menace persistante pour la stabilité politique et économique de la région, avec la Côte d’Ivoire et le Sénégal comme possibles cibles futures.
Renforcement de la lutte contre la désinformation
Face à cette menace croissante de la désinformation, plusieurs gouvernements d’Afrique de l’Ouest sont en train de renforcer leurs efforts de lutte contre les manipulations numériques. Cette « guerre de l’influence, » qui se joue autant sur le terrain que sur les écrans, constitue un enjeu stratégique majeur pour l’avenir de la région.